Le camion jaune (Version numérique)

CHF 3.95

Un voyage initiatique.
Solitude de femme sur les routes d’Europe.

Après la tentative avortée d’une nouvelle maternité, Marthe voyage seule avec sa petite fille à bord d’un camion. Elle part de Genève et sillonne l’Europe, roule de la Corse jusqu’aux côtes atlantiques. Elle pérégrine pour résoudre ses problèmes de maternité et d’homosexualité. Son errance est ponctuée d’aventures, de découvertes intérieures intenses jusqu’à la rencontre de l’amour lesbien. Les splendides paysages européens défilent, imprimant par touches impressionnistes, un rythme nomade au roman. Le camion jaune est une histoire d’amour de femmes et une plaidoirie vivante pour l’homoparentalité.

Claire Sagnières, cofondatrice et journaliste du premier journal lesbien-féministe à Genève au début des années 80, partage avec Le camion Jaune les aléas de son existence.

Catégorie :

Extrait 1

« ‘Man, je te dirais, m’man… m’man, je retournerai pas à l’école parce qu’à l’école on m’apprend des choses que je ne sais pas. Après ce serait dit. Ca serait fait. Voilà »
La pluie d’été. Marguerite Duras.

Chapitre 1

3 Juin 1992
« Attention ! Ca va exploser ! », cria la plus âgée des réceptionnistes à la plus jeune qui revenait tenant mon thermos fermé. Elle le lui arracha des mains, et en ouvrit précipitamment le bouchon. « Il ne faut pas fermer complètement les thermos car, avec l’azote liquide, ils peuvent exploser », précisa-t-elle.
Lorsque j’étais venue remplir mon dossier, la première fois, elle avait insisté : « Et surtout n’oubliez pas votre thermos ! » Et lorsque j’étais arrivée, elle avait crié à la cantonade, devant deux couples qui étaient assis avec moi dans la salle d’attente : « Vous n’avez pas oublié votre thermos ? »
Non. Je ne l’avais pas oublié. J’étais même allée tout exprès en acheter un. Un joli rouge, pas trop grand.
Le mur de la salle d’attente derrière moi, était tapissé de faire-part de naissance, pas anonymes du tout, puisque l’on pouvait y lire le nom et l’adresse des enfants. Lorsque j’étais venue remplir le dossier, la dernière fois, il avait fallu que je donne le signalement de mon « mari ». J’avais alors déclaré qu’il était de taille moyenne, aux cheveux et aux yeux châtains. Plus neutre, c’était impossible.
Cela me faisait penser à une action illégale que j’avais commise dans le passé. J’avais emporté une paire de skis loués, parce que le vendeur ne m’avait pas demandé mes coordonnées. Mais je ne savais pas qu’il avait relevé le numéro d’immatriculation de ma voiture, et quelques mois plus tard j’avais bien été surprise de me retrouver en face d’un commissaire de police, qui me demandait le signalement du jeune homme qui était avec moi lors de ce vol. Comme je ne voulais pas vendre ce copain encore mineur, j’avais dit au policier que je l’avais pris en stop, que je ne le connaissais pas et qu’il était « de taille moyenne, avec des cheveux et des yeux châtains ».Finalement, je m’en étais sortie avec une leçon de morale et l’obligation d’aller piteusement rendre les skis au magasin de skis.
Je pris avec précaution le thermos qui fumait et sortis en le tenant dans les mains. Dans la voiture, je le posai tout délicatement sur le siège passager. Il fumait toujours. Une petite fumée blanche. Il y avait des embouteillages dans cette ville. Je mis la radio. Sur France Musique, on donnait le Quatuor pour la fin des temps de Messiaen, puis la musique for Toys Piano de John Cage. Cela me semblait aller avec l’ambiance.
Je remis le thermos fumant à l’assistante du gynécologue.
J’étais couchée « en position gynécologique », regardant au plafond un mobile immobile avec deux personnages en fil de fer mimant un coït. Le gynécologue sortit les paillettes. C’était de minces tubes d’environ dix centimètres de longueur. Rien à voir avec l’idée de strass qui émanait du mot « paillettes » ! Il les mit, une à une dans sa bouche et souffla doucement, pour faire sortir le sperme qu’il déposa dans une cupule de plastique et qu’il introduisit au fond de mon vagin. »

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Extrait 1

« ‘Man, je te dirais, m’man… m’man, je retournerai pas à l’école parce qu’à l’école on m’apprend des choses que je ne sais pas. Après ce serait dit. Ca serait fait. Voilà »
La pluie d’été. Marguerite Duras.

Chapitre 1

3 Juin 1992
« Attention ! Ca va exploser ! », cria la plus âgée des réceptionnistes à la plus jeune qui revenait tenant mon thermos fermé. Elle le lui arracha des mains, et en ouvrit précipitamment le bouchon. « Il ne faut pas fermer complètement les thermos car, avec l’azote liquide, ils peuvent exploser », précisa-t-elle.
Lorsque j’étais venue remplir mon dossier, la première fois, elle avait insisté : « Et surtout n’oubliez pas votre thermos ! » Et lorsque j’étais arrivée, elle avait crié à la cantonade, devant deux couples qui étaient assis avec moi dans la salle d’attente : « Vous n’avez pas oublié votre thermos ? »
Non. Je ne l’avais pas oublié. J’étais même allée tout exprès en acheter un. Un joli rouge, pas trop grand.
Le mur de la salle d’attente derrière moi, était tapissé de faire-part de naissance, pas anonymes du tout, puisque l’on pouvait y lire le nom et l’adresse des enfants. Lorsque j’étais venue remplir le dossier, la dernière fois, il avait fallu que je donne le signalement de mon « mari ». J’avais alors déclaré qu’il était de taille moyenne, aux cheveux et aux yeux châtains. Plus neutre, c’était impossible.
Cela me faisait penser à une action illégale que j’avais commise dans le passé. J’avais emporté une paire de skis loués, parce que le vendeur ne m’avait pas demandé mes coordonnées. Mais je ne savais pas qu’il avait relevé le numéro d’immatriculation de ma voiture, et quelques mois plus tard j’avais bien été surprise de me retrouver en face d’un commissaire de police, qui me demandait le signalement du jeune homme qui était avec moi lors de ce vol. Comme je ne voulais pas vendre ce copain encore mineur, j’avais dit au policier que je l’avais pris en stop, que je ne le connaissais pas et qu’il était « de taille moyenne, avec des cheveux et des yeux châtains ».Finalement, je m’en étais sortie avec une leçon de morale et l’obligation d’aller piteusement rendre les skis au magasin de skis.
Je pris avec précaution le thermos qui fumait et sortis en le tenant dans les mains. Dans la voiture, je le posai tout délicatement sur le siège passager. Il fumait toujours. Une petite fumée blanche. Il y avait des embouteillages dans cette ville. Je mis la radio. Sur France Musique, on donnait le Quatuor pour la fin des temps de Messiaen, puis la musique for Toys Piano de John Cage. Cela me semblait aller avec l’ambiance.
Je remis le thermos fumant à l’assistante du gynécologue.
J’étais couchée « en position gynécologique », regardant au plafond un mobile immobile avec deux personnages en fil de fer mimant un coït. Le gynécologue sortit les paillettes. C’était de minces tubes d’environ dix centimètres de longueur. Rien à voir avec l’idée de strass qui émanait du mot « paillettes » ! Il les mit, une à une dans sa bouche et souffla doucement, pour faire sortir le sperme qu’il déposa dans une cupule de plastique et qu’il introduisit au fond de mon vagin. »