De l’inconscient créateur à la gynogénèse (Version numérique)

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La vie des lesbiennes entre les gauchistes et les féministes n’était pas une sinécure dans les années 70, et personne n’acceptait une famille de femmes, comme normale, gaie et heureuse.
L’auteure, qui a vécu à cette époque, la raconte d’une manière poignante.

Créer un enfant dans la fusion de l’amour entre deux femmes, ayant des gènes identiques à ceux mêlés de leurs mères. Quelle lesbienne n’a pas ressenti cette envie-là, au fond d’elle-même? C’est la pulsion de l’inconscient créateur.

La science est sur le point de réaliser ce désir.

Claire Sagnières a déjà écrit Le camion jaune, une histoire d’Insem’Art, Un gai mariage lesbien, et d’autres livres; ce nouveau roman s’inscrit dans sa saga: La Comédie Lesbienne.

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Extrait 1

« ‘Man, je te dirais, m’man… m’man, je retournerai pas à l’école parce qu’à l’école on m’apprend des choses que je ne sais pas. Après ce serait dit. Ca serait fait. Voilà »
La pluie d’été. Marguerite Duras.

Chapitre 1

3 Juin 1992
« Attention ! Ca va exploser ! », cria la plus âgée des réceptionnistes à la plus jeune qui revenait tenant mon thermos fermé. Elle le lui arracha des mains, et en ouvrit précipitamment le bouchon. « Il ne faut pas fermer complètement les thermos car, avec l’azote liquide, ils peuvent exploser », précisa-t-elle.
Lorsque j’étais venue remplir mon dossier, la première fois, elle avait insisté : « Et surtout n’oubliez pas votre thermos ! » Et lorsque j’étais arrivée, elle avait crié à la cantonade, devant deux couples qui étaient assis avec moi dans la salle d’attente : « Vous n’avez pas oublié votre thermos ? »
Non. Je ne l’avais pas oublié. J’étais même allée tout exprès en acheter un. Un joli rouge, pas trop grand.
Le mur de la salle d’attente derrière moi, était tapissé de faire-part de naissance, pas anonymes du tout, puisque l’on pouvait y lire le nom et l’adresse des enfants. Lorsque j’étais venue remplir le dossier, la dernière fois, il avait fallu que je donne le signalement de mon « mari ». J’avais alors déclaré qu’il était de taille moyenne, aux cheveux et aux yeux châtains. Plus neutre, c’était impossible.
Cela me faisait penser à une action illégale que j’avais commise dans le passé. J’avais emporté une paire de skis loués, parce que le vendeur ne m’avait pas demandé mes coordonnées. Mais je ne savais pas qu’il avait relevé le numéro d’immatriculation de ma voiture, et quelques mois plus tard j’avais bien été surprise de me retrouver en face d’un commissaire de police, qui me demandait le signalement du jeune homme qui était avec moi lors de ce vol. Comme je ne voulais pas vendre ce copain encore mineur, j’avais dit au policier que je l’avais pris en stop, que je ne le connaissais pas et qu’il était « de taille moyenne, avec des cheveux et des yeux châtains ».Finalement, je m’en étais sortie avec une leçon de morale et l’obligation d’aller piteusement rendre les skis au magasin de skis.
Je pris avec précaution le thermos qui fumait et sortis en le tenant dans les mains. Dans la voiture, je le posai tout délicatement sur le siège passager. Il fumait toujours. Une petite fumée blanche. Il y avait des embouteillages dans cette ville. Je mis la radio. Sur France Musique, on donnait le Quatuor pour la fin des temps de Messiaen, puis la musique for Toys Piano de John Cage. Cela me semblait aller avec l’ambiance.
Je remis le thermos fumant à l’assistante du gynécologue.
J’étais couchée « en position gynécologique », regardant au plafond un mobile immobile avec deux personnages en fil de fer mimant un coït. Le gynécologue sortit les paillettes. C’était de minces tubes d’environ dix centimètres de longueur. Rien à voir avec l’idée de strass qui émanait du mot « paillettes » ! Il les mit, une à une dans sa bouche et souffla doucement, pour faire sortir le sperme qu’il déposa dans une cupule de plastique et qu’il introduisit au fond de mon vagin. »

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Extrait 1

Le contenu de leur journal : « La Cause du Peuple » était essentiellement des comptes rendus sur des luttes ouvrières, qu’on ne pouvait pas lire dans les journaux habituels. La plupart des maos étaient des enfants de bourgeois rejetés par leur famille, et « établis » en usines (ayant arrêté leurs études pour apprendre auprès des ouvriers, comme cela se faisait en Chine lors de la Révolution Culturelle) ; ils restaient en usines pour se désembourgeoiser au contact des ouvriers et aussi pour les pousser aux luttes ouvrières, grèves, occupations d’usines, sabotages, séquestrations de patrons, etc. Les autres étaient de vrais ouvriers d’extrême-gauche. Le but de cette stratégie était de former un fort mouvement d’ouvriers et d’étudiants liés, pour renverser le gouvernement et réussir enfin la révolution avortée en mai 68.

Elles, n’étant pas « établies » comme ils disaient, étaient considérées comme des sympathisantes, faisant les basses besognes, comme d’aller à 4h du matin à l’entrée des usines distribuer des tracts, où elles se faisaient fréquemment tabasser par les gros bras de la CGT.

Il y eut une grande discussion avec Son Amour, après deux semaines de travail comme fille de salle à l’Hôpital de la Croix Rousse, car elle avait bien envie de « s’établir » aussi et d’arrêter ses études de médecine. Elle se sentait plus proche des autres femmes de service que des infirmières qui les commandaient comme des cheffes. Une fois, au bloc, alors qu’elle faisait le ménage, l’une d’elles l’avait appelée pour lui demander de nettoyer les chiottes avant qu’elle ne les utilise, car le chirurgien ne tirait jamais la chasse d’eau. Son Amour, qui avait été une vraie prolétaire, pensait que cela n’était pas bien de refuser de faire des études si on en avait la possibilité. Dans le Petit Livre Rouge, Mao parlait pour ce genre de conflits, de « contradictions au sein du peuple ». De même que la révolution culturelle en Chine avait envoyé les intellectuels travailler aux champs pour les réformer et leur enlever leur instinct de supériorité, elle essayait de se réformer, sincèrement. Elles pensaient que les ouvriers étaient plus intelligents, plus gentils, et plus honnêtes que les bourgeois. Et qu’ils avaient le sens de la résolution des problèmes de classe. Elles ne portaient que des habits de secondes mains, et n’allaient que rarement au restaurant, et plutôt dans les restos ouvriers pas chers.(…)

(Elles devenaient amies avec un groupe de voisins dont l’une des sœurs était féministe mais hétéro. C’est avec eux qu’elles fabriquèrent le panneau pour annoncer la sortie du journal « Libération », qui était censé remplacer « La Cause du Peuple », devenue de fait interdite, et détruite à la sortie de l’imprimerie… Tandis quelles vendaient le nouveau journal, des policiers étaient venus embarquer plusieurs d’entre eux et comme elles voulaient les faire sortir elles avaient secoué le léger camion, et Sylvie comprit mieux son surnom de panier à salade !)