Concentré lesbien irrésistiblement toxique (Version numérique)

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Ce que les bourgeois détestent par-dessus tout, c’est de parler d’argent, du sexe et de la mort.
Ce livre ne parlera que de cela.
C’est l’histoire éternelle et banale des faibles contre les forts, en un jeu de Monopoly qui serait tricheur, car le faible gagne parfois, en se retirant du jeu.
Le fil d’Ariane de ce texte est le lesbianisme politique, féministe, et radical; celui de la jeunesse de l’auteur avec le journal Clit007 (Concentré lesbien irrésistiblement toxique).
“J’essaie de dire ce qu’il reste aujourd’hui des slogans de la fin des années 1970, ces années de bonheur perdu, cette période magique de l’histoire de l’humanité, où tout était possible et beau. Ces années o~u nous savions fuir pour survivre, se tirer pour s’en tirer…”

Claire Sagnières est née en 1952 à Casablanca (Maroc). Elle est cofondatrice du premier journal lesbien à Genève, dont le titre était Clit007 et que vous pouvez retrouver sur le site web: Clit007
Elle a déjà publié deux romans: Le camion jaune et D’une morte @ l’autre.

Catégorie :

Un voyage initiatique.
Solitude de femme sur les routes d’Europe.

Après la tentative avortée d’une nouvelle maternité, Marthe voyage seule avec sa petite fille à bord d’un camion. Elle part de Genève et sillonne l’Europe, roule de la Corse jusqu’aux côtes atlantiques. Elle pérégrine pour résoudre ses problèmes de maternité et d’homosexualité. Son errance est ponctuée d’aventures, de découvertes intérieures intenses jusqu’à la rencontre de l’amour lesbien. Les splendides paysages européens défilent, imprimant par touches impressionnistes, un rythme nomade au roman. Le camion jaune est une histoire d’amour de femmes et une plaidoirie vivante pour l’homoparentalité.

Claire Sagnières, cofondatrice et journaliste du premier journal lesbien-féministe à Genève au début des années 80, partage avec Le camion Jaune les aléas de son existence.

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Extrait 1

« De ma grand-mère maternelle, j’ai dû prendre ma prédisposition à l’abandonnisme… ainsi que tout ce que ma mère a pris d’elle : la façon de cuisiner, de tricoter, de faire pousser des fleurs et d’aimer les bébés…
Mais aussi la détestation de sa soumission à son mari, de sa non-indépendance financière, et de la façon dont elle a été engrossée une fois tous les deux ans… jusqu’à épuisement.
Ma grand-mère est restée. Elle n’a pas fui. Elle a tout compris. Tout pris sur elle. Elle ne m’a laissé aucune morale. Sinon celle de la passivité devant le patriarcat. Aucune envie de partir. Je n’ai point de bons souvenirs d’elle. Sinon qu’elle a peut-être cristallisé, pour moi, mais surtout pour ma mère, tout le malheur traditionnel des femmes.
Des femmes qui restent en l’état. Qui ne fuient pas, ne se révoltent pas. Ne se tirent pas de la maison. Qui ne se sont jamais barrées. Trop emprisonnées dans les mailles du filet. Incapables de prendre leurs cliques et leurs claques. Ne s’opposant pas au pater familias, même quand il tue leur fils aîné. Ne pas s’en aller. Ne pas se sauver pour se sauver.
Elles ne savent que pleurnicher en attendant la mort de leur tortionnaire de mari. Résistance passive ou non résistance absolue. Elles acceptent le soir de se faire enculer par leur mari, alors qu’elles savent qu’il est en train de laisser mourir de faim leur fils à cause de ses ambitions. Je suis peut-être grossière, mais n’est-ce pas plus grossier encore cette attitude qui les mène à sacrifier leur fils sur l’autel de la bourgeoisie dont elles viennent. Quel horrible bordel que cette vie qu’elle a menée. En acceptations et larmes de crocodile. Abandonner son fils seul face à l’ire de son père. Sans foutre le camp avec ses enfants, comme l’a fait ma grand-mère paternelle qui avait, elle, un salaire d’institutrice qui lui donnait la force de partir. Ma grand-mère aurait pu partir avec sa dot. Mais celle-ci avait dû être utilisée pour l’entreprise du grand-père depuis belle lurette. Elle aussi déshéritée en quelque sorte. Ruinée. Ne lui restaient que ses larmes.
Ceci fut le début d’émancipation de ma mère qui m’a donné deux règles de vie, en tant que femme : garder mon indépendance financière d’une part, et d’autre part, trouver un mari qui sache se contrôler (pour le coït interrompu, seul moyen de contraception au milieu des années 60), afin de ne pas avoir d’enfants non désirés.
Fric, engrossée, enculée, bordel… J’utilise ces mots vulgaires qui sortent de ma conscience quand je pense à ma grand-mère. Ces mots qui l’auraient particulièrement horrifiée, dans sa fausse pudeur bourgeoise. Elle devait penser à la reine d’Angleterre pendant qu’il la tripotait (selon l’expression de ma mère). Mon sentiment le plus fidèle, unique, quand je pense à cette « Grand-maman » est le mépris. Je sais qu’elle aurait pu être suffragette, à son époque. Car moi-même j’ai réussi à fuir le doux cocon familial pour plus de radicalité encore. Or elle est restée une épouse fidèle, personnifiant le terme d’ « hétéro=collabo », qui était un de nos slogans dans le journal CLIT 007. Je suis presque plus dure pour elle que pour mon grand-père, car il n’aurait rien pu faire sans l’aide de ma grand-mère. Sans ce rôle de reproductrice de sa force de travail. C’est pourquoi je déteste parfois plus les femmes hétéros, qui collaborent au mal que font leur mari. Comme dans ce cas précis de mes grands-parents.
« Si la prostitution exerce son commerce dans des conditions de décence, les mêmes que l’esthéticienne ou la psychiatre, si son activité est débarrassée de toutes les pressions qu’elle connaît actuellement, la position de la femme mariée devient brusquement moins attrayante. Car si le contrat prostitutionnel se banalise, le contrat marital apparaît plus clairement comme ce qu’il est : un marché où les femmes s’engagent à effectuer un certain nombre de corvées assurant le confort de l’homme à des tarifs défiant toute concurrence. Notamment les tâches sexuelles. » Virginie Despentes, King Kong Théorie, édition Grasset 2006 p.63
Pour la douce chaleur du fric, elle a donc accepté de se faire enculer (comme une prostituée) et, pire encore, de se faire engrosser (comme une mère porteuse qui fait des enfants pour que son mari ait une belle famille). Sacrifiant son honneur, la propriété de son corps, sa dignité et celle de ses enfants, à son confort bourgeois et à l’argent de son capitaliste de mari. Oui, je la méprise profondément. Et surtout je la méprisais, je l’ai méprisée, du temps de mon enfance.
Moi, je suis allée plus loin encore dans l’émancipation. Jusqu’au lesbianisme féministe et radical. Jusqu’à me passer totalement des hommes, sauf quand j’avais besoin de leur sperme pour enfanter. Jusqu’à les chosifier, comme du temps de mes grands-parents on chosifiait les femmes. Jusqu’à les utiliser, comme on utilisait les femmes jadis.
Tu as bien fait de partir. »