Extrait 1

Un chignon Laique et républicain

C’est grâce à ces jeunes filles enrôlées par l’école de Jules Ferry, qui croyaient fermement à ce qu’elles faisaient, qu’en quelques dizaines d’années, le français, beaucoup plus riche en vocabulaire, avait remplacé le patois, même en dehors de l’école et dans les familles. Cela permettait à tout le monde, femme ou homme, ouvrier ou paysan, de comprendre les textes officiels, de lire le journal et d’être au courant de ce qu’il se passait dans le pays et dans le monde. Un changement radical. Ces institutrices étaient fières de leur rôle à juste titre. Ce n’était que justice de reconnaître que le début de l’école moderne a commencé là. En participant au développement de l’école, elles ont, comme des petits soldats, permis l’avènement de la République Française dans les coins les plus reculés de France. Cela contribua à l’égalité entre les femmes et les hommes pour l’éducation. Donc, on ne pouvait plus donner une fausse raison pécuniaire pour empêcher les filles de fréquenter l’école. De plus, les parents Un chignon laïque et républicain étaient obligés d’envoyer leurs enfants à l’école, au risque de voir venir les gendarmes leur amener une amende ou menacer de les emprisonner s’ils ne respectaient pas la loi. Et puis fut instituée en 1936, par Léon Blum, la loi qui permit aux Français de partir en vacances. Ils sont partis en masse à vélo, à travers la France. Ils rencontraient par tout le pays des gens qui parlaient le français comme eux. Cela contribua à la solidarité des cantons et des régions entre eux. La solidarité avec la République passait dorénavant par l’école et non pas seulement par les périodes de guerre. Cela renforça le pouvoir des femmes, souvent plus travailleuses à l’école que les garçons.

Etrait 1

De l’inconscient créateur à la gynogénèse

Le contenu de leur journal : « La Cause du Peuple » était essentiellement des comptes rendus sur des luttes ouvrières, qu’on ne pouvait pas lire dans les journaux habituels. La plupart des maos étaient des enfants de bourgeois rejetés par leur famille, et « établis » en usines (ayant arrêté leurs études pour apprendre auprès des ouvriers, comme cela se faisait en Chine lors de la Révolution Culturelle) ; ils restaient en usines pour se désembourgeoiser au contact des ouvriers et aussi pour les pousser aux luttes ouvrières, grèves, occupations d’usines, sabotages, séquestrations de patrons, etc. Les autres étaient de vrais ouvriers d’extrême-gauche. Le but de cette stratégie était de former un fort mouvement d’ouvriers et d’étudiants liés, pour renverser le gouvernement et réussir enfin la révolution avortée en mai 68.

Elles, n’étant pas « établies » comme ils disaient, étaient considérées comme des sympathisantes, faisant les basses besognes, comme d’aller à 4h du matin à l’entrée des usines distribuer des tracts, où elles se faisaient fréquemment tabasser par les gros bras de la CGT.

Il y eut une grande discussion avec Son Amour, après deux semaines de travail comme fille de salle à l’Hôpital de la Croix Rousse, car elle avait bien envie de « s’établir » aussi et d’arrêter ses études de médecine. Elle se sentait plus proche des autres femmes de service que des infirmières qui les commandaient comme des cheffes. Une fois, au bloc, alors qu’elle faisait le ménage, l’une d’elles l’avait appelée pour lui demander de nettoyer les chiottes avant qu’elle ne les utilise, car le chirurgien ne tirait jamais la chasse d’eau. Son Amour, qui avait été une vraie prolétaire, pensait que cela n’était pas bien de refuser de faire des études si on en avait la possibilité. Dans le Petit Livre Rouge, Mao parlait pour ce genre de conflits, de « contradictions au sein du peuple ». De même que la révolution culturelle en Chine avait envoyé les intellectuels travailler aux champs pour les réformer et leur enlever leur instinct de supériorité, elle essayait de se réformer, sincèrement. Elles pensaient que les ouvriers étaient plus intelligents, plus gentils, et plus honnêtes que les bourgeois. Et qu’ils avaient le sens de la résolution des problèmes de classe. Elles ne portaient que des habits de secondes mains, et n’allaient que rarement au restaurant, et plutôt dans les restos ouvriers pas chers.(…)

(Elles devenaient amies avec un groupe de voisins dont l’une des sœurs était féministe mais hétéro. C’est avec eux qu’elles fabriquèrent le panneau pour annoncer la sortie du journal « Libération », qui était censé remplacer « La Cause du Peuple », devenue de fait interdite, et détruite à la sortie de l’imprimerie… Tandis quelles vendaient le nouveau journal, des policiers étaient venus embarquer plusieurs d’entre eux et comme elles voulaient les faire sortir elles avaient secoué le léger camion, et Sylvie comprit mieux son surnom de panier à salade !)