Extrait 2

De l’inconscient créateur à la gynogénèse

Et Sylvie attira Jocelyne vers la plage endormie. Elles marchèrent un moment, la main dans la main, puis elles glissèrent contre un gros tas de sable adossé à un vieux mur de pisée, et, nues dans le sable, elles firent l’amour pendant très longtemps, sans parler…

Seule la chanson de Barbara « Tu ne te souviendras pas » lui passait sans cesse en tête:

« Tu ne te souviendras pas
De cette nuit où l’on s’aimait,
Toutes les nuits, cahin-caha,
S’effeuillent au calendrier.

Tu ne te souviendras pas
De mon visage, de mon nom.
Les marionnettes d’ici-bas
Font trois petits tours et puis s’en vont.

Tu ne te souviendras pas
Du vent, des algues, de cette plage,
De ce silence, de notre émoi
Quand se sont mêlés nos visages.

Tu ne te souviendras pas.
Nous étions là, émerveillés.
J’ai glissé un peu contre toi.
Contre toi, tu m’as entraînée.

Tu ne te souviendras pas
De nos corps couchés sur le sol.
Les corps s’enfoncent comme les pas
Dans le sable où le vent les vole.

Tu ne te souviendras pas.
Doucement, la nuit s’est penchée,
Traînant dans son manteau de soie
Des morceaux de ciel étoilé.

L’amour nous menait en voyage.
Longtemps, nous avons navigué.
La mer se cognait au rivage.
Dans tes yeux, je me suis noyée.

L’amour nous menait en voyage.
On s’est aimé, on s’est aimé.
Qu’il fût merveilleux, le naufrage
Quand, dans tes bras, j’ai chaviré (…). »

Puis, Sylvie s’est rendu compte qu’elles avaient perdu leurs règles, l’une et l’autre, simultanément ; et que le sang de l’une coulait sur les jambes de l’autre, comme le sang de celle-ci roulait sur les jambes de celle-là. Sylvie se leva, elle sentait Jocelyne perdue, et l’amena vers la mer, Océan chaud qui clapotait. Elle lui lava le corps, en la tenant dans ses bras, comme pour un Baptême du sang ; ou comme une Descente du Christ de la Croix avec le sang des douleurs de toutes les lesbiennes du monde qui s’entremêlaient. Puis elles ont nagé, et Jocelyne la lava à son tour.

Epuisée, Jocelyn ne disait rien. Elle avait dû trop en entendre pendant la maladie de Sylvie. Elles rentrèrent lentement, comme deux vieilles épuisées, sous les rayons de la lune.

Dans le cabanon il n’y avait que Mohamed et Son Amour, qui parlaient fort et avaient fait décidément cause commune contre elles. Ils discutèrent longtemps. Sylvie disait qu’elle pouvait très bien rentrer à Lyon à la fac et reprendre ses études comme d’habitude avec Jocelyne. A un moment Mohamed dit à Jocelyne qu’elle n’avait plus un sou sur son compte en banque. Celle-ci le reconnu puis retomba dans une espèce de léthargie. Sylvie ne savait pas qu’elle prenait des benzodiazépines et elle buvait beaucoup de vin. A plusieurs moments elle s’endormit. Tandis que Sylvie essayait de faire comprendre à Son Amour qu’elle était trop frustrée de son corps depuis tant d’années…Et qu’à son âge c’était trop dur. Et que Jocelyne était la première lesbienne de son âge qu’elle rencontrait. Que son Amour elle le sera toujours, mais qu’elle ne pouvait pas l’enfermer, ainsi, sans fin, la garder à jamais pour elle. Sylvie lui parlait des amours de Proust et d’Albertine disparue. Elle lui parlait des amours contingentes de Sartre. Car elle l’aimait toujours. Mais elle était amoureuse d’une autre, à cause de diverses circonstances actuelles. Elle osa même lui dire que c’était bourgeois de vouloir la posséder pour elle tout seule à jamais, et de ne lui laisser aucune liberté. Mais Son Amour ne voulait rien entendre. Tard dans la nuit, Mohamed décida de ramener Jocelyne, endormie, jusqu’à la villa de Rabat, et Son Amour décida d’aller dormir dans sa tente à l’est sur l’autre plage à côté des copains et de partir le lendemain à Meknès avec eux. Quand à Sylvie, elle restait avec une tente sur la plage devant le cabanon, en attendant que Jocelyne se réveille le lendemain. »

Extrait 2

De l’inconscient créateur à la gynogénèse

Et Sylvie attira Jocelyne vers la plage endormie. Elles marchèrent un moment, la main dans la main, puis elles glissèrent contre un gros tas de sable adossé à un vieux mur de pisée, et, nues dans le sable, elles firent l’amour pendant très longtemps, sans parler…

Seule la chanson de Barbara « Tu ne te souviendras pas » lui passait sans cesse en tête:

« Tu ne te souviendras pas
De cette nuit où l’on s’aimait,
Toutes les nuits, cahin-caha,
S’effeuillent au calendrier.

Tu ne te souviendras pas
De mon visage, de mon nom.
Les marionnettes d’ici-bas
Font trois petits tours et puis s’en vont.

Tu ne te souviendras pas
Du vent, des algues, de cette plage,
De ce silence, de notre émoi
Quand se sont mêlés nos visages.

Tu ne te souviendras pas.
Nous étions là, émerveillés.
J’ai glissé un peu contre toi.
Contre toi, tu m’as entraînée.

Tu ne te souviendras pas
De nos corps couchés sur le sol.
Les corps s’enfoncent comme les pas
Dans le sable où le vent les vole.

Tu ne te souviendras pas.
Doucement, la nuit s’est penchée,
Traînant dans son manteau de soie
Des morceaux de ciel étoilé.

L’amour nous menait en voyage.
Longtemps, nous avons navigué.
La mer se cognait au rivage.
Dans tes yeux, je me suis noyée.

L’amour nous menait en voyage.
On s’est aimé, on s’est aimé.
Qu’il fût merveilleux, le naufrage
Quand, dans tes bras, j’ai chaviré (…). »

Puis, Sylvie s’est rendu compte qu’elles avaient perdu leurs règles, l’une et l’autre, simultanément ; et que le sang de l’une coulait sur les jambes de l’autre, comme le sang de celle-ci roulait sur les jambes de celle-là. Sylvie se leva, elle sentait Jocelyne perdue, et l’amena vers la mer, Océan chaud qui clapotait. Elle lui lava le corps, en la tenant dans ses bras, comme pour un Baptême du sang ; ou comme une Descente du Christ de la Croix avec le sang des douleurs de toutes les lesbiennes du monde qui s’entremêlaient. Puis elles ont nagé, et Jocelyne la lava à son tour.

Epuisée, Jocelyn ne disait rien. Elle avait dû trop en entendre pendant la maladie de Sylvie. Elles rentrèrent lentement, comme deux vieilles épuisées, sous les rayons de la lune.

Dans le cabanon il n’y avait que Mohamed et Son Amour, qui parlaient fort et avaient fait décidément cause commune contre elles. Ils discutèrent longtemps. Sylvie disait qu’elle pouvait très bien rentrer à Lyon à la fac et reprendre ses études comme d’habitude avec Jocelyne. A un moment Mohamed dit à Jocelyne qu’elle n’avait plus un sou sur son compte en banque. Celle-ci le reconnu puis retomba dans une espèce de léthargie. Sylvie ne savait pas qu’elle prenait des benzodiazépines et elle buvait beaucoup de vin. A plusieurs moments elle s’endormit. Tandis que Sylvie essayait de faire comprendre à Son Amour qu’elle était trop frustrée de son corps depuis tant d’années…Et qu’à son âge c’était trop dur. Et que Jocelyne était la première lesbienne de son âge qu’elle rencontrait. Que son Amour elle le sera toujours, mais qu’elle ne pouvait pas l’enfermer, ainsi, sans fin, la garder à jamais pour elle. Sylvie lui parlait des amours de Proust et d’Albertine disparue. Elle lui parlait des amours contingentes de Sartre. Car elle l’aimait toujours. Mais elle était amoureuse d’une autre, à cause de diverses circonstances actuelles. Elle osa même lui dire que c’était bourgeois de vouloir la posséder pour elle tout seule à jamais, et de ne lui laisser aucune liberté. Mais Son Amour ne voulait rien entendre. Tard dans la nuit, Mohamed décida de ramener Jocelyne, endormie, jusqu’à la villa de Rabat, et Son Amour décida d’aller dormir dans sa tente à l’est sur l’autre plage à côté des copains et de partir le lendemain à Meknès avec eux. Quand à Sylvie, elle restait avec une tente sur la plage devant le cabanon, en attendant que Jocelyne se réveille le lendemain. »